Qui suis-je ?

Je suis née en 1975 en banlieue parisienne. Je suis d’origine bretonne par ma mère et arménienne par mon père. Mais dans ma famille, on ne parlait pas de notre passé. Et pourtant, entre le génocide arménien et la famine que vécurent les Bretons à la même époque, ces deux peuples se rejoignent par leur parcours mêlant survie, honte, exil, misère et refuge à Paris. Dans ma famille, cette histoire était mise sous scellés, sous silence.
De là serait née ma nécessité de dire, de raconter ?

A l’inverse, ma famille était surnommée la famille des bras cassés car notre quotidien était ubuesque. Impossible de passer inaperçus et de s’ennuyer. Il nous arrivait des histoires constamment. Des aventures que je rendais incroyables en m’amusant ensuite à les raconter. Jusqu’à ce que cela devienne mes légendes familiales. J’y ai pris goût. Ça mettait un peu de fantaisie, de piquant dans ma vie. Ca me créait enfin une histoire familiale.

A l’école, j’avais une mémoire sélective. Une vraie passoire à noms propres et dates. Mais si un professeur nous racontait une belle anecdote, une histoire dans l’Histoire… je frétillais sur place, et me la rappelais ensuite à merveille.
De même à chaque rencontre que la vie m’offrait. Je gardais précieusement un témoignage de vie raconté, une légende locale partagée, un conte philosophique glissé.
Ces contes m’ont ouvert les yeux sur moi-même et le monde qui m’entoure. A travers les âges et les frontières, ils ont survécu et grandi. J’ai toujours trouvé cela fantastique.
La nécessité, à mon tour, de les transmettre m’est apparue. D’autres avaient besoin de les entendre. Surtout en situation de crise. Comme un cadeau, une lanterne dans les moments sombres de l’existence.

J’ai alors compris que l’on ne trouve pas un conte... mais que c’est bien lui qui nous trouve. J’ai perçu la force, la puissance et la sagesse des contes.

L’éducation populaire m’a aussi nourrie, militante de cœur jusqu’au bout des ongles.
DUT Carrières Sociales option animation socio-culturelle en poche, j’ai travaillé auprès d’habitants de tous âges, en milieu rural, urbain, dans les cités de Paris, aux creux des montages de Haute-Savoie, jusqu’en Finistère. Multi-casquettes, cap sur l’aventure humaine et créative.
J’enchaîne les expériences de théâtre, écritures collectives, expériences vibrantes, prises de parole animées, élans utopiques.
Tout au fil de mon chemin, le conte a toujours été là, comme une évidence. Mon étoile de bergère.
Il m’a fallu quelques tornades et volcans pour que j’en prenne conscience et qu’enfin je saute pleinement dedans.
2017, j’entre dans le monde professionnel du conte, je largue les amarres et y consacre tout mon temps et mon énergie.
Sur ce chemin, j’ai eu la chance de me former auprès de Michel Hindenoch, Jihad Darwiche, Gigi Bigot, Mike Burns, Amandine Orban de Xivry, Nigel Hollidge, Ludovic Souliman… Ils m’ont enrichie de leurs propres lumières.

Je suis en amour des contes, de leurs parts vivantes, vibrantes. L’art de conter, celui de nous emporter, de nous transporter, de nous élever à la fois hors et en nous. En cette époque de fer et de plomb, le monde a tellement besoin d’être ré-enchanté.
Les contes rassemblent et rééquilibrent les injustices. Ils nécessitent un consentement mutuel, une alchimie, une pause de notre course de vie. Le conte est si précieux.

Céline GUMUCHIAN,
Finistère, octobre 2022